LE BRIQUET




Devant le buffet ouvert, Catherine réfléchissait. Il ne restait qu'un bout de pain, du fromage blanc en suffisance, mais à peine une lichette de beurre; et il s'agissait de faire les tartines pour eux quatre. Enfin, elle se décida, coupa les tranches, en prit une qu'elle couvrit de fromage, en frotta une autre de beurre, puis les colla ensemble: c'était "le briquet", la double tartine emportée chaque matin à la fosse. Bientôt les quatre briquets furent en rang sur la table répartis avec une sévère justice, depuis le gros du père jusqu'au petit de Jeanlin.

Maheu avait une montre qu'il ne regarda même pas. Au fond de cette nuit sans astres, jamais il ne se trompait de cinq minutes. Tous remirent leur chemise et leur veste. Puis, descendus de la taille, ils s'accroupirent, les coudes aux flancs, les fesses sur leurs talons, dans cette posture si habituelle aux mineurs, qu'ils gardent même hors de la mine, sans éprouver le besoin d'un pavé ou d'une poutre pour s'asseoir. Et, chacun, ayant sorti son briquet, mordait gravement à l'épaisse tranche, en lâchant de rares paroles sur le travail de la matinée.



Germinal Emile Zola



L’Briquet


Au fond del fosse, à l’ouvrache,
Nous, mineurs, v’là not’ festin :
Deux tartin’s plaqué’s d’ fromache
Et d’ bon burr qui guill’ su l’ pain.

Ch’t’un briquet dins not’ langache.
El’ roi n’est pas not’ cousin
Quand pou l’ mier, in s’ met à plache
Sur un caillau comm’ coussin.

Aussi, quand, au jour, j’y pinse,
J’ vous assur’ qué si j’os’ros
J’ m’in pourléqu’ros cor les dogts !

Ah ! comarat’s, queull’ bonn’ guinse !
Pour mi, j’ cang’ros point m’ briquet
Pou tous les plats d’un banquet.



Jules Mousseron