« Au Nord, c’étaient les corons… » Une très belle chanson. Mais Pierre Bachelet, et on le comprend, a éludé toute la diversité des logements miniers.
Les corons ne sont en fait que le premier type d’habitat minier. Ne représentant aujourd’hui qu’un quart de l’ensemble. Un autre quart étant constitué
de cités modernes, 9% de cités-jardins et 41% de cités pavillonnaires. Avec cette seconde idée reçue : non, les logements miniers ne sont pas réceptacles
de misère. Chacune de ces typologies de logements était avant-gardiste et plus confortable que ce qui se faisait ailleurs pour les paysans et ouvriers.
En effet, ils étaient imaginés par les compagnies pour attirer la main d’œuvre : « Venez chez moi et pas chez le voisin, voyez le logement que nous vous
proposons ». Quand on découvre du charbon dans la région, en 1720, à Fresnes-sur-Escaut, le futur bassin minier est une terre agricole.
La mine est si vorace en bras qu’en 1825, la compagnie d’Anzin construit ses premiers logements ouvriers à Denain.
Dans le Pas-de-Calais, les premiers
corons naissent à Noeux … et Bruay : la fameuse cité des Électriciens bâtie en 1861, toujours debout et où un certain Dany Boon a posé sa caméra pour « Bienvenue chez les Ch’tis »
Le coron est une forme d’habitat en bande constitué d’alignements de 5 à 80 maisons identiques. Des habitations de 25 à 40 m2, avec une pièce unique qui
sert de cuisine et de chambre des parents, avec des murs enduits à la chaux ou au plâtre. A l’étage, une à trois chambres de 8m2 pour les enfants. Puis
une cave pour le charbon, les pommes de terre et le tonneau de bière. Les latrines et le four à pain sont dans les communs. Dans les jardins : poulaillers,
clapiers et ateliers. En 1867, le coron des 120 d’Anzin-Valenciennes est présenté comme modèle de confort et de salubrité à l’Exposition universelle de Paris.
En 1870, les cités pavillonnaires viennent compléter les corons. Les barres sont coupées pour regrouper huit, six, quatre, puis deux maisons, entourées de
jardins.Ce sont principalement les ingénieurs des compagnies qui sont à l’origine de ces habitations. Avant la première guerre mondiale, 43 concessions sont accordées
par l’Etat aux compagnies. Les pouvoirs locaux n’ont aucun droit de regard sur le développement urbain de leur commune.
Quant aux jardins, ils s’agrandissent. Et s’ils ne sont pas entretenus, la compagnie sanctionne
En 1904, à Dourges, on construit pour la première fois des cités qui prennent vraiment en compte des données architecturales et urbanistiques :
les cités-jardins, une révolution. Voiries en courbe, plan en cercle, premiers trottoirs et chaussées macadamisées, des squares. Quant aux jardins, ils
s’agrandissent. Et s’ils ne sont pas bien entretenus, la compagnie sanctionne.
Il y a un règlement que des gardes sont chargés de faire respecter. Dans certaines compagnies comme à Lens ou Béthune, les cités reproduisent la hiérarchie
de l’entreprise avec les maisons des porions et des employés à l’entrée de la fosse, plus grandes que celles des ouvriers. La maison du directeur est
couplée avec l’église, les châteaux des ingénieurs, les écoles et les bâtiments sociaux.
Des cités sont pilotes pour que soient pensées les maisons de mine du troisième millénaire
La seconde guerre mondiale fait des ravages : 90 000 logements miniers sont détruits. Or avec le lancement de la bataille du charbon, le nombre
de mineurs atteint son apogée. Et avec la nationalisation et l’adoption du statut du mineur, le logement gratuit devient un droit pour le travailleur et
ses ayants droit. Conséquence, quelques 11 000 puis 20 000 baraquements sont élevés. Et les cités modernes, les Camus, inspirées de Le Corbusier, sont
imaginées. Ces logements sont confortables, mais conçus à la base pour 25 ans, ces premiers « préfas » vieillissent mal. Quelques 45 000 logements
(Camus, corons, pavillons…) ont été démolis depuis 1971. La plupart de ceux qui restent ont été rénovés, mais devront l’être continuellement.
Y habitent désormais moins de la moitié de mineurs ou ayants droit et majoritairement, ce sont des foyers à faibles revenus. Mais ces logements
ont un avenir. Des cités sont pilotes pour que soient pensées les maisons de mine du troisième millénaire. Écolologiques et confortables.
Quand les terrils ne sont plus que des crassiers, mais des biotopes à la faune et à la flore spécifiques et les cavaliers ont mué en liaisons
écologiques idéales pour le sport nature. Ce territoire, dessiné commme il l’a été, est promis à un avenir de modernité.
Article de La Voix du Nord mercredi 22 décembre 2010