Des événements de portée nationale
Les grèves étaient mouvementées et donnaient lieu à des manifestations bien particulières. Les premiers grévistes
allaient vers 2h du matin frapper aux portes des corons et reveillaient leurs camarades mineurs afin qu’ils se joignent à eux. Ensuite ils arrêtaient
ceux qui se rendaient au travail et les exhortaient à les suivre ou à retouner chez eux .
Tout est vrai de ce qu’a écrit Marius Lateur (un Avionnais mi-historien mi-auteur), sauf qu’il y manque la manière souvent forte, qui caractérisait les
démarches des meneurs de grèves.
On a vu traîner des « jaunes » nus pieds sur des tessons de bouteille, promener des ouvriers nus, observé par dizaines des maisons souillées de goudron, des
enfants malmenés à l’école parce que le père avait osé travailler.
Les violences du pouvoir étaient aussi à déplorer. Si les soldats de l’Empire ou de la République ont reçu sur la tête des pierres ou le contenu de pots de
chambre, ils ont rendu coup pour coup. Et il eut des morts dans les deux camps.
Certaines répressions furent terribles, ainsi la compagnie de Béthune n’hésita pas à licencier de nombreux mineurs et à jeter leur modeste mobilier sur le
pavé. On notera qu’à l’inverse, la compagnie de Liévin plus clémente, et désireuse d’agacer sa concurrente proche, recueillit ces malheureux et leur donna
du travail.
Tout ne fut pas négatif dans le fantastique transfert de la population ouvrière survenu à la faveur du développement du bassin. Les ouvriers agricoles mal
logés, mal payés, ne connaissaient aucun repos hebdomadaire ne pouvaient qu’être séduits par les nouvelles conditions de vie. Un salaire multiplié par deux
ou trois, un logement autre que le grenier à foin, le repos du dimanche. Mais les risques de mort s’avérèrent vite réels, le confinement dans
les galeries, la densité humaine dans les chantiers, firent de paysans frustres, des mineurs rugueux et plus encore. Et la maîtrise, ivre de pouvoir et
guère plus évoluée que la base, fut à l’origine de nombreux conflits.
De 1862 à 1987
Les conflits prirent souvent l’aspect de grèves plus ou moins dures, plus ou moins locales. La première eut lieu en 1862 et affecta les Mines de béthune.
On en connut une autre plus large en 1889. C’est cette année-là que la compagnie de Lens envoie quatre cents mineurs par train spécial visiter l’exposition
universelle de Paris.
La décennie suivante voit surgir une ou plusieurs grèves chaque année. L’une d’elles dura 56 jours à Carvin en 1890. Celle de 1893, sept semaines, se termine
par le congédiement de 482 mineurs. En 1902, la troupe intervient durement. Et puis survient la catastrophe de Courrières en 1906, 1100 mineurs périssent.
C’est l’arrêt général. La grève dure 50 jours. Clémenceau, président du conseil, vient dans le bassin. Il admet le droit de grève mais refuse
l’obstruction.
On ne retrouvera pas la même ampleur en 1948 où le gouvernement socialiste de Jules Moch fit donner la troupe, et en 1963, A. Peyreffite étant ministre du
travail. Mais quelle différence d’atmosphère entre ces deux grèves. De la violence pour la première, des sabotages ; un climat résolu mais sans bavure pour
la seconde. On vit même pour la première fois, lors d’un défilé massif à Lens, la police ouvrir la route au défilé et barrer les rues adjacentes.
Après quoi, le bassin connut quelques autres grèves d’ampleur limitée. La dernière en date concernant les ouvriers marocains.
1941, année noire
La grève de 1941 eut un caractère ambigu. Préoccupations alimentaires et révolte patriotique s’ajoutèrent. En 1941 se développait l’esprit de la
résistance.Le premier mai, on assiste à des refus de descendre. Cela commence au puits Dahomey de Montigny-en-Goelle.
Michel Brûlé, militant ardent qui paiera de sa vie sa révolte, incite ses camarades à protester. Durant le mois
de mai, les concessions de Dourges, Courrières, Oignies, Liévin, Béthune, se joignent
au mouvement. Le 4 juin, on compte sur l’ensemble du bassin 64.086 grévistes, soit environ 75% des effectifs.
Le maximum est à l’Escarpelle (94%) ; La Clarence est la plus tiède avec 17%, mais il est vrai que cette minuscule compagnie ne compte que 950 ouvriers.
En revanche, 600 (91%) ouvriers sont en grève à Ligny.
C’est dire l’ampleur du conflit que les Allemands plutôt passifs au début encaissent mal. Niehoff lieutenant-général, fait placarder des avis, menace et
finalement lance une rafle monstre, 270 mineurs sont arrêtés. L’Allemand est bien renseigné, ses patrouilles ont des listes de noms. Les meneurs d’abord
internés à Lille, le seront ensuite à Aix-la-Chapelle, connaîtront le camp de Sachsenhausen et son enfer concentrationnaire. D’autres furent dirigés sur
Dora, Dacho, et Buchenwald. 120 seulement seront de retour en 1945, marqués pour ce qui leur restait à vivre.
Pour les mineurs qui avaient repris le travail, il n’y avait pas d’autre issue. Des mesures furent annoncées, octroi de denrées supplémentaires et supplément
de savon. Le 10 juin, la grève entrait dans l’histoire mouvementée du bassin.
Article de La voix du Nord du samedi 22 décembre 1990