Ils ne visent pas uniquement la cible par tradition ou par jeu. Leur centre d'intérêt réside tout autant dans l'esprit de
camaraderie et de convivialité qui accompagne leur passion pour le javelot. Au moins trois fois par semaine, ils se retrouvent dans le sous-sol de la salle
Vézilier, théâtre de concours acharnés tout autant que de débats fleuris. Le spectacle ne se limite pas à ce que le néophyte comparerait à un jeu de
fléchettes géant. Il est partout dans cette salle étroite et surchauffée, où blagues et autres bons mots fusent avec autant de précision que le plumeau
atteint sa cible.
Bien sûr, la moyenne d'âge n'est pas celle d'un club de foot, mais peu leur importe, tant que la tradition perdure. Une tradition bien d'ici et intimement
liée à l'histoire de la mine comme l'explique Aimé Perlot, sociétaire du Javelot-club de Liévin depuis 27 ans (le club a été créé en 1976) et président
depuis neuf ans : « C'est une discipline que pratiquaient les mineurs. Généralement, ils remontaient du fond en début d'après-midi et se retrouvaient un
javelot à la main. Le plus souvent dans les cafés. » Rien d'étonnant donc à ce qu'on retrouve aussi des « javeloteux » en Lorraine. Plus étrange en revanche
d'apprendre qu'on pratique aussi cette discipline en Seine-Saint-Denis et... en Guadeloupe. Il existe une fédération et des concours ponctuent régulièrement
les dimanches de ces passionnés. Un deuxième club existe à Liévin et un autre, réputé pour ses résultats au plus haut niveau, à Angres. Mais la concurrence
n'est ici prétexte qu'à de chaleureuses retrouvailles, même si tous les points sont rigoureusement comptabilisés. Une cible placée 80 centimètres au-dessus
du plancher et un jet réglementaire à 8 mètres de celle-ci. Facile en apparence. Beaucoup moins dans les faits. En attestent les impacts visibles jusqu'au
plafond. Essayer, c'est apprendre combien le javelot peut être rebelle. Aimé Perlot ne délivrera qu'un secret : l'entraînement. « C'est un jeu d'adresse et
de concentration, explique-t-il. Le javelot pèse entre 300 et 400 grammes selon les tireurs. Croyez-moi, des allers-retours, on en fait au long d'une
partie. » À 66 ans, André Dilly en fit quelques-uns lorsqu'il établit un record homologué au Guinness - un document en atteste - le 25 janvier 1996.
Ce jour-là, il a lancé 740 javelots et inscrit 478 points en une heure, à raison d'un maximum de deux points par lancer.
Le Javelot-club municipal compte une quarantaine de membres. Certains sont là depuis plus de trente ans. Et la relève ? Le président n'est pas forcément
inquiet : « Il y a des jeunes qui s'y mettent, qui quittent à un certain âge et qui finalement reviennent un peu plus tard. On a aussi quelques femmes qui
jouent. » Au regard de l'engouement de ces « javeloteux », la passion et la convivialité ont encore de beaux jours devant elles. ?
Les séances ont lieu les mardis, jeudis et samedis de 16 h à 20 h.
Article La voix du Nord le 27/10/2012 PAR PHILIPPE LECLERCQ ÉRIC JANISZEWSKI (CLP)